Patrick Tounian est professeur de pédiatrie à la faculté de médecine Sorbonne Université et chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques de l’hôpital Trousseau à Paris.
Le service qu’il dirige est considéré comme le centre de référence national de nutrition et obésité pédiatriques. Il dirige par ailleurs depuis 2003 le diplôme universitaire « Nutrition et obésité de l’enfant et de l’adolescent » à Sorbonne Université.
Il est Président de l’Association des Pédiatres de Langue Française qui réunit l’ensemble des sociétés savantes francophones de pédiatrie du monde et Vice-Président de la Société Française de Pédiatrie
Introduction
La France est mondialement reconnue pour ses repas gastronomiques, inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2010. Le plaisir culinaire a donc longtemps été une tradition française que nombre d’étrangers venaient partager et n ous enviaient. Une enquête du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l ’observation des conditions de vie) réalisée en 2000 montrait ainsi qu’à la question : Si je vous dis « aliment de qualité », quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit ? Les mots « bon » et « goût » étaient les plus rapportés par un échantillon représentatif de français. Le même
sondage effectué en 2018 révélait cette fois que les mots « bio » et «sans» étaient devenus ceux qu’évoquait une alimentation de qualité pour nos compatriotes. En deux décennies, la quête d’une alimentation présumée saine a pris le pas sur le plaisir gastronomique.
Cette regrettable évolution est probablement expliquée et entretenue par les scandales sanitaires successifs (vache folle, contaminations bactériennes, viande de cheval dans des lasagnes, etc.), la peur croissante des pesticides, des perturbateurs endocriniens, des organismes génétiquement modifiés et des additifs, la diabolisation des aliments industriels ultra-transformés, l’éco-anxiété et le développement de scores et applications nutritionnels arbitraires et coercitifs.
Avoir une alimentation saine et équilibrée est donc devenu une priorité pour nos compatriotes, notamment pour celle qu’offrent les parents à leurs enfants. Le rapport des adolescents à la nourriture a également changé, la jouissance gustative qui était leur principale motivation est aujourd’hui contrariée par la peur de grossir et leurs inquiétudes écologiques.
Cette nouvelle tendance peut sembler légitime au premier abord, mais qu’est-ce qu’au juste une alimentation saine et équilibrée chez l’enfant et l’adolescent ? Est-ce vraiment le choix d ’une nourriture moins grasse, moins sucrée, moins salée, moins carnée, moins transformée, plus végétale, plus bio, plus naturelle ? Prévient-elle réellement les risques contre lesquels elle est censée lutter ou est-ce de l’adultomorphisme ? Ne favorise-t-elle pas les déviances alimentaires et les carences nutritionnelles dans une période propice à une telle tendance ? Voilà toutes les questions auxquelles nous allons répondre.
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